La Taverne du Rat Thessalien était un établissement bien singulier de la noble terre de Thessalie. Singulier par le lieu tout d'abord. Un endroit au milieu de nulle part, si ce n'est qu'une bâtisse, en pierre dure et toit fait de planches de bois et recouvert de paille. Assez vaste, il comprenait deux étages en plus du rez-de-chaussée, et offrait aux clients passagers comme aux habitués des chambres plus ou moins confortables en fonction des bourses, mais aussi des affinités avec le patron. Quand aux caves, nul n'a jamais pu connaitre leur étendue. Certains, dans un coin de la salle durant de tardives soirées, à la lueur fuyante du feu et l'esprit enfiévré, racontaient qu'elles s'étendraient sur des kilomètres, et cacheraient en leur sein un dragon veillant sur un immense trésor.
Le Tavernier, lui, était un personnage possédant bien des facettes. Pour beaucoup, c'était "Patron", ou "Tavernier". Pour d'autres bien connus, c'était Trok, ou encore Ed. Néanmoins, il arrivait que certaines personnes bien particulières prononçaient tout bas le nom de Volfor. Cela dit, connaitre son véritable nom n'aurait jamais avancé personne, car la réponse à la question de ses origines, apparemment très lointaines, serait encore plus insoluble. Certains racontaient même à qui voulait l'entendre qu'il était originaire d'un autre monde.
Enfin, l'établissement du Rat Thessalien était étrange de par certains de ses clients. Habituellement, une taverne de village n'était fréquentée que par les paysans du coin, ou les voyageurs, mais le Rat Thessalien accueillait aussi de bien plus prestigieux consommateurs. De jour comme de nuit, certains arrivaient à cheval, encapuchonnés, d'autres en grande pompe, avec escorte de leurs meilleurs soldats. Toujours est-il que, à quelques exceptions près, ils empruntaient directement une petite porte derrière le comptoir, sous le hochement de tête du Tavernier, qui le suivait en général, après avoir beuglé quelques ordres à la serveuse. La clientèle populaire de la Taverne était d'apparences très hétéroclites. Il s'agissait parfois d'Elfes, comme le Tavernier, ou encore d'Humains, ou de Nains bourrés et bruyants. Il arrivait aussi qu'ils revêtent une apparence quelque peu moins courante, comme celle de Morts-Vivants, Liches, ou bien Démons.
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"La Guilde ne vous veut pas de mal, elle n'en veut qu'à votre capital."
Voici l'adage gravé sur un petit écriteau que nous pouvions remarquer à l'entrée de la salle dans laquelle se tenait le conseil. Ce conseil était présidé par un Elfe Noir à la silhouette élancée, à l'esprit aussi affûtée qu'une bonne lame naine. Les cheveux longs, il se tenait debout, devant une longue table, à laquelle étaient assis une dizaine d'autres membres de la Guilde. Le silence régnait alors qu'il s'apprêtait à prendre la parole.
Membres de la Guilde, vous voici tous réunis en cette salle sous ma demande urgente! Pour ceux qui me connaissent déjà, les présentations seront dispensées. Toutefois pour les nouveaux admis, je suis simplement Dalahad, Maître Trafiquant. Je tiens tout d'abord à remercier le bon vieux Volfor ici présent, commença-t-il en désignant du bras le Tavernier assis à sa droite, de nous prêter son établissement pour notre entreprise quelque peu sombre. Quoi qu'il en soit, chers confrères, nous ne sommes guère ici pour conquérir Thessalie. Non, nous ne figurerons pas parmi ces brutes sanguinaires assoiffées de sang que sont les barbares. Non, nous agirons beaucoup plus subtilement. Par de mercantiles marchés, ou encore en utilisant habilement les ressources pécuniaires dont nous disposons, nous allons placer, à la manière des joueurs du jeu que l'on nomme par ici les échecs, nos pions. Telles les araignées, nous tisserons notre vaste toile partout en Thessalie. Et à ce moment, quand nous jugerons notre influence assez importante, nous lèverons armées et milices afin de conquérir contrées après contrées, et ainsi élargir nos territoires de d'actions, fit Dalahad, réprimant difficilement l'excitation qui montait en lui. Levez-vous, car en ce jour nous avons scellé notre destin, un destin grandiose à la mesure de nos êtres.
Et à ces mots, chacun se leva, et porta son verre, l'esprit enflammé par le discours du Trafiquant. Le Tavernier alla chercher de quoi les remplir dans un coin de la pièce, et ce fut pour la suite de la soirée une orgie de boissons, d'alcool, de femmes et de décadence. Ainsi furent fêtés les rêves de puissance de la Guilde.
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L'orage grondait au dehors. Le frêle bâtiment, seul point culminant dans la plaine qui l'entourait, était la proie du vent et des éclairs. Mais de la fureur du ciel, Dalahad n'en n'avait cure. Il se trouvait bien en dessous du sol, et il est possible qu'il ne sut même pas l'ampleur de la colère des Dieux au dehors. Non, Dalahad riait. Il était revêtu de sa magnifique parure rouge et dorée, et il venait de soutirer à un riche négocient de nombreux titres de propriété, des promesses alléchantes, et la main de sa fille cadette, jeune elfe ravissante qu'il ajouterait à son harem. Et il riait, parce qu'encore une fois, la puissance de la Guilde s'asseyait sur les stupides commerçants qui ne se doutaient pas que leur fin était proche. C'est alors qu'on frappa à sa porte. Sans même qu'il eut besoin de dire "Entrez", la porte s'ouvrit, et laissa entrer Volfor. Il était vêtu d'une tunique de cuir sombre, d'un pantalon assorti, et de grandes bottes cloutés, pouvant produire un bruit considérable ou se faire si discrète que même un Gnome n'aurait su détecter le bruit intrus. C'était les bottes préférées de Volfor, qui prenait un malin plaisir à y cacher toute sorte d'armes empoisonnées. À sa taille pendait une dague finement ciselée et une épée courte de grossière facture, et pendait de son dos une immense arbalète lourde et un carquois contenant des carreaux à la mesure de l'arme. Par ailleurs, de grosses plaques de boue dégoulinaient mollement de sa personne, et son visage exprimait à la fois un immense épuisement, et une satisfaction tout aussi grande.
Ça y est. C'est fait, se contenta-t-il de dire.
Magnifique ! Nous allons bientot pouvoir commencer !
Et Volfor se retira aussitôt, sans préciser la nature de l'acte accompli, ni quel sinistre présage cela représentait pour Thessalie.
Ven 28 Sep - 13:16